How to save a life ?Ma vie s’est terminée le jour où j’ai décidé d’en finir dans ma salle de bain. Ce jour-là, alors que j’avais coulé au fond du trou depuis deux, et que j’avais décidé que je n’en pouvais plus des cauchemars, de la douleur, de cette culpabilité gluante qui ne me laissait plus aucune respiration entière, j’ai mis fin à une histoire. J’ai coupé court avec ma vie. J’ai tenté, lâchement, de tout effacer
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D’abord, mon enfance douloureuse avec des parents alcooliques et qui ne parvenaient pas à s’occuper de la famille nombreuse qui les faisait survivre. J’étais une étrangeté dans la fratrie et personne n’y comprenait jamais rien. Et quand j’ai fini par révéler ma magie, par sombrer à leurs yeux comme étant une chose incontrôlable, les services sociaux sont intervenus. Je n’ai jamais plus revu les miens et ça ne me dérange pas plus que ça. J’avais 6 ans, mes parents étaient des étrangers, et mes frères et soeurs étaient terrifiés par mes capacités.
Ensuite, la famille d’accueil dans laquelle je suis arrivé. Un couple de Mapple Town, qui faisait déjà ce travail (si on peut appeler ça un travail) depuis plusieurs années. Des personnes incroyables, qui ont redonné foi en la vie et l’amour à un petit garçon de 6 ans, désabusé de tout. Et puis, eux aussi étaient spéciaux… Des sorciers.
Puis de ma scolarité. À 11 ans, j’ai été admis à Tjukurpa et je suis entré chez les Kunyia, pour le plus grand plaisir de mes parents d’adoption. J’étais un garçon plein de vie, plein d’envie de voir le monde, et de m’amuser. Je suis entré dans l’équipe de Quidditch et j’étais un fabuleux poursuiveur. Je n’avais peur de rien à cette époque et à bien y songer, alors que je me sens maintenant partir, c’était peut-être la plus belle période de ma vie.
De ma passion. Parce que c’était ça, l’histoire de ma vie. Le Quidditch, le vol, les balais, et chacune de ces balles spéciales qui rythmaient le jeu. Je vivais, je mangeais, je respirais Quidditch. Et comme tout bon gamin qui s’y intéresse, j’ai commencé à aller au-delà de l’école. Voir une Coupe du Monde a été le jour le plus incroyable de mon enfance. Voir Emmett, gamin de mon école, arriver des années après moi et devenir une étoile de ce sport était une fierté. Alors oui, comme les mômes de mon âge, je me suis mis a emmagasiné le savoir. Traquer les news, suivre les nouveaux joueurs, soutenir les anciens.
De cette rencontre. Ce n’est rien, après tout. Une rencontre épistolaire. J’étais devenue si fan de ce gamin, de 5 ans mon cadet, que j’avais décidé de lui envoyer une lettre. Je voulais qu’il sache qu’il avait du soutient, partout et même ici en Australie. J’ai bassiné mes parents d’adoption pour pouvoir aller le voir jouer sur son terrain. Et je l’ai vu, en secret, ce jour-là. Yiannis Koundouriotis, l’espoir du Quidditch américain. Le plus beau dans cet engouement encore trop jeune et immature, c’est que ce garçon que j’idolâtrais comme s’il était mon idéal (et Dieu sait qu’il l’était à ce moment-là), a répondu à mon courrier. Et chacune de ses lettres était un St Graal de plus.
Même l’après, l’autonomie et l’âge adulte y sont passés. J’avais 18 ans quand j’ai quitté la maison familiale, mes frères et soeurs d’adoption aussi. Je me souviens combien j’ai serré fort mes parents de coeur contre moi. Je revois même la première nuit dans mon petit chez moi, l’envie que j’aie eu de transplaner pour retourner dans mon lit d’ado’. C’était beaucoup pour un môme abandonné par sa famille de sang, mais j’ai tenu bon. Il me fallait prendre ma vie en main, j’avais un objectif que je voulais atteindre. Et ma mère m’avait tant bassiné avec son histoire de viser la lune pour au moins retomber dans les étoiles que je ne vivais que pour ça. Atteindre mon rêve et si j’échouais, j’aurais au moins de belles choses.
Ce jour-là même ma réussite professionnelle, je l’ai jetée au feu. Je n’ai jamais été assez bon pour être joueur professionnel de quidditch, je le savais depuis longtemps, alors j’ai fait de ma véritable passion pour ce sport, mon gagne-pain. J’ai sué sang et eau pour intégrer un prestigieux cursus sport étude d’Australie, à Melbourne plus précisément. J’ai décroché une alternance au sein d’une des plus grosses boites de management de stars sportives. Et ça a été dur, mais chaque jour je tenais bon, juste pour ce morceau de rêve. Et il s’est réalisé. Un jour, alors que je venais de rejoindre l’équipe de Quidditch Australienne comme manager junior, j’ai croisé un des grands. De ceux devant lesquels il fallait baisser la tête et dire oui. Et quand il a mentionné le nombre de recrutements pour l’année à venir et la recherche de “perles rares”, le nom de Yiannis est sorti de lui-même de ma bouche. Ma star se devait d’être leur perle rare. Et vous savez quoi ? Ce jour-là, même si je me doutais que je n’atteindrais que les étoiles, j’ai finalement touché la lune du doigt.
Et finalement ce jour. Celui où on m’a officialisé pour prendre en charge cette jeune recrue et que j’ai cru que mon coeur allait exploser. Que j’ai failli faire un malaise quand il est entré dans la pièce, avec son sourire adorable en me tendant la main. Ce jour où je l’ai regardé et j’ai répondu : “Je m’appelle Abyss, on a discuté par courrier il y a quelques années !”.
Oui, tout ça, j’ai voulu le retirer de ma mémoire, et me l’arracher à jamais. Mettre un terme dessus malgré le bonheur qui s’y trouvait. Et tout ça pour quoi ? Pour effacer la suite de l’histoire...
Parce que oui, les années ont passé, et si notre collaboration était d’abord professionnelle, elle est rapidement devenue amicale. Yiannis restait mon dieu à moi, et le côtoyer au quotidien était ma joie personnelle. Jusqu’au drame d’il y a 9 ans. Je ne l’ai jamais accepté et j’ai tant et tant retourné cette histoire dans ma tête, j’ai tant rejoué cette poignée de secondes qui a tout changé que j’en suis à un point où, aujourd’hui, assis sur le carrelage de la salle de bain, je ne sais plus dire ce qui est vrai ou faux. Je sais juste que je n’ai rien pu faire. Rien.
Je ne me souviens plus du temps ni des conditions de vol. Il pleuvait certes, mais il pleut souvent pendant les matchs. Était-ce trop ? Est-ce que j’ai encouragé Yiannis a voler plus que je n’ai fait attention ? Ai-je loupé quelque chose ? L’ai-je forcé contre sa volonté ? Voulais-je le voir briller en oubliant le danger ? Je ne sais plus. Je me souviens juste de le voir tomber de son balai devenu capricieux pendant le match. Je me souviens avoir couru vers le terrain, et d’avoir sorti ma baguette. Et cette saloperie était si capricieuse qu’elle a senti ma panique et que là où j’avais voulu l’immobiliser en l’air, je n’ai fait que ralentir la chute.
Il n’est pas mort ce jour-là. Il s’en est sorti handicapé. Et moi, ma vie est partie en cendre. Il m’a fallu 2 années pour complètement lâcher prise. Deux ans pour prendre la décision sensée, en tout cas à ce moment, que tout devait s’arrêter.
Ma vie a commencé le jour où j’ai décidé d’en finir dans ma salle de bain. Cette décision sans sens, bien trop douloureuse, complètement choisie par la peur et la douleur m’ont parfaitement changé de voie, de vie, de croyance. J’ai failli y rester, ce jour-là, et le seul souvenir que j’en garde, c’est la voix de l’urgentiste, qui me demandait de rester éveillé. Puis les larmes de ma mère d’adoption. Juste ça, et ça m’a suffi.
Il n’y a pas grand-chose à dire depuis ces 7 dernières années… J’ai été en thérapie, et c’est les mots “dépression post-traumatique” qui ont été inscrits sur mon dossier médical. J’ai été sous traitement médicamenteux un long moment. Il ne me reste que les anxiolytiques au besoin. Et puis, il y a eu le travail sur moi-même, la force de me relever. Et cette force, elle n’a pas été pour moi, mais pour mes parents, pour mes frères et soeurs d’adoption, mes amis. Pour Yiannis. Même si j’étais sorti de sa vie, même si sa colère contre moi m’était trop difficile à supporter, même si moi-même je ne pouvais plus le regarder en face, il a été l’un des moteurs de ma thérapie. Celui pour qui, avec ma famille, j’étais prêt à me surpasser.
3 ans après mon coup de folie, c’est Eden qui est entrée dans ma vie. Eden, c’était la nouvelle petite sans famille de ma maison d’enfance. Je n’avais rien en commun avec elle, et je n’aurais certainement pas retenu plus que son prénom si mes parents ne m’avaient pas demandé de venir passer les vacances d’été avec eux. Pour la voir elle. Pour les aider à la comprendre. Et cet été-là, Eden est devenue autre chose. Une jeune fille aux yeux verts enflammés, au caractère ardent. Elle m’a retourné de l’intérieur et j’ai fui avant la fin des vacances.
J’ai finalement renoué avec le sport. Le Handball plus précisément. Je suis devenu entraîneur d’une équipe puis j’ai suivi des formations pour être préparateur sportif. Depuis, je suis le leader de l’équipe de handball de Mapple Town, pour mon plus grand plaisir.
Et vous allez me demander ce qu’est devenu Yiannis ? Et bien avec le temps, avec l’envie, avec l’amour, les choses se sont peu à peu décantées. Il est et restera ma seule idole, je n’en doute pas. Mais il incarne également la blessure qui tranche mes deux poignets. Yiannis est resté du côté du Quidditch, alors que j’ai volé vers d’autres horizons moins dangereux. Yiannis rêve de voler et de profiter encore de vraies sensations sur un balai, alors que je lutte pieds et mains pour qu’il ne remette pas sa vie en jeu. Alors oui, nous sommes amis, mais les choses sont difficiles et nous apprenons certainement à faire avec, petit à petit.
Et donc voilà. 9 ans qui se sont écoulés dans la douceur du temps qui passe. Entrecoupés de rechutes, d’espoirs, d’attirances, de fuites. 9 ans que j’ai eu du mal à apprécier au départ, mais que je chéris chaque jour désormais.
J'ai vécu deux fois, et tout le monde n'a pas cette chance.Petit plus :
- Citation :
- - Il est toujours suivi par sa psychiatre tous les trimestres.
- Il est infernal sur l’alignement des choses. Fourchette/assiette/couteau, tableau sur un mur, plateau sur une table. Si ça c’est pas aligné, il devient dingue.
- Ah et aussi les poils d’animaux sur les habits, ça le rend malade.
- Oh et les portes pas bien fermées. Une porte c’est soit ouvert en grand, soit fermé, mais il ne supporte pas l’entre-deux.
- Il n’a quasiment jamais remis les pieds dans un stade de Quidditch et ça le rend dingue qu’une de ses soeurs pratique ce sport dangereux.
- Il n’a jamais revu ou eu envie de revoir sa famille.