Your words are like a gun in hand.Il y a ces images qui marquent, ces clichés qui ont capturé un moment, juste une période durant laquelle une émotion particulière avait enfermé le cœur du photographe. Si on vous demander d’en choisir cinq, et pas une de plus, en seriez-vous capable ? Peut-être, ou peut-être que non. Moi, quand on m’a posé la question la première fois, j’ai rigolé. J’ai dit que c’était impossible, qu’il y avait trop de photo dans le monde pour que je n’en choisisse que cinq. Est-ce que je mentais ? C’est possible. J’avais peut-être ce besoin de protéger encore un peu ce qui m’était précieux. Oh, je veux le protéger. Mais aujourd’hui, je suis prêt. Oh, ce n’est pas pour vous que je suis là. C’est juste pour moi.
Cette photo-là, elle a été prise pas loin de chez nous, y’avais un petit court d’eau reliant les deux côtés de l’île dans lequel on se baignait quand il faisait trop chaud. C’est mon père qui a dû prendre ce cliché, il n’a pas dû faire attention en cadrant mais, je l’adore. Je trouve qu’elle montre parfaitement notre fratrie.
Je suis né un deux juin, juste avant l’été. Mes parents étaient – sont toujours d’ailleurs – les personnes les plus amoureuse que j’ai jamais vu de toute ma vie. Moi, j’étais le premier fruit de leur amour. Mais bien vite, j’ai arrêté d’être seul. Au final, on était cinq. Cinq mecs, pas une seule fille. Quand les gens demandaient à ma mère si ça la gênait, elle répondait avec un sourire immense « Pourquoi diable serais-je gênée d’avoir six des plus hommes du monde à la maison ? ». Un sacré numéro, ma mère. Et quand on posait la question à mon père, il haussait les épaules avec un sourire en coin. Oh, il n’a jamais été très pudique, il estimait simplement que ça ne regardait que lui. Qu’elle. Mes parents sont merveilleux et j’aurais jamais pu rêver mieux. Ils sont encourageants, ils sont motivants, ils sont heureux. Ce sont eux qui m’inspirent. Ils ont toujours poussé chacun d’entre nous à faire ce qu’on voulait. C’est comme ça qu’on se retrouve avec une fratrie explosée aux quatre coins du monde.
Mes frères, c’est ma vie. Enfin, une partie. Je les aime tous, chacun d’entre eux. Pour ce qu’ils sont. Pour leur caractère de cochon, leurs défauts bien trop gros mais, surtout, pour les qualités qu’ils ne voient pas. Je ferais tout pour eux, pour ma famille. Même si on est tous indépendants et qu’on est du genre à ne pas se voir pendant des semaines, parfois des mois, on peut débarquer à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit chez l’autre s’il le faut. On est les cinq doigts de la main.
On est les Wakefield.
Il y a la famille qu’on ne choisi pas, et celle qui nous tombe dessus sans crier gare. On était que des mômes quand cette famille a emménagé à côté de nous. J’ai compris un peu plus tard que, Papa était ami avec l’homme qui aurait du vivre là avec eux. Et qu’il avait voulu les prendre sous son aile, ne pas les laisser seuls. Quand je vous disais que mon père était un homme bon, c’était pas des conneries. Y’avais deux mômes dans cette famille. Eos et Nyx. Ils avaient mon âge alors, naturellement, on se lia d’amitié. D’abord moi et Eos. Je sais que Nym et Nyx s’entendaient bien aussi. Bref, on avait des amis d’enfance avec qui on jouait tous les cinq en soi, on n’a jamais laissé un frère sur le côté, ou alors ce n’était jamais volontaire.
Si la mère d’Eos n’était pas une sorcière, visiblement son père l’était. Donc on n’avait pas besoin de faire attention plus que ça. Eos, c’était un petit rayon de soleil dans ma vie. C’était mon meilleur ami, mais en grandissant, il n’était pas que ça. Je pense que je n’ai jamais réellement voulu croire à autre chose, dans ma tête, je l’aimais autant que mes frères. Mais, peut-être que je l’aimais encore plus que ça. Maintenant, je me dis que c’était probablement ça. Parce qu’à 11 ans, quand on a dû se séparer, ça m’a brisé le cœur. Eos n’avait jamais reçu sa lettre pour Tjukurpa : il était un cracmol. Si ça ne changeait rien pour moi, ça allait nous séparer. J’ai pris le chemin de l’école avec Nyx, qui avait été acceptée autant que moi. Alors ouais, on a continué à s’écrire tous les jours. On n’était pas bien loin alors quand on pouvait aller le voir, on essayait de le faire. Mais, plus les années passaient, plus un fossé s’était creusé entre nous.
Alors je garde cette photo pour me souvenir des jours heureux, de ceux ou on pensait que rien ne pouvait nous séparer.
La vie vous offre des moments de pur bonheur, des moments ou rien que la joie n’a d’importance. Et puis, elle peut aussi vous les arracher d’un seul coup. Cette photo, c’est moi qui l’ai prise. Peut-être que je n’aurais pas dû mais, ça faisait déjà un moment que j’avais découvert ma passion pour la photographie, que j’essayais de capter les moments. Que c’était une manière pour moi de m’exprimer ? Je me souviens du regard réprobateur de Nyx après que j’ai pris ce cliché, les traces de larme marquant encore ses joues. Je me suis excusé et j’ai rangé mon appareil.
Cette photo, elle symbolise le plus grand malheur de ma vie. Celui que je ne peux oublier, parce qu’il a marqué la fin. La fin d’une ère. De cette période de bonheur.
La mère d’Eos et Nyx était malade. Et, si j’avais pu, j’aurais tout donner pour la sauver. Cette femme faisait partie de ma famille autant que Nyx et Eos. Autant que mes propres parents. Autant que mes frères. Et je sais que si j’avais eu la moindre idée, la moindre piste pour la sauver, je n’aurais même pas hésité. Mais je n’étais qu’étudiant, avec aucun talent pour les potions, qui maîtrisait les sortilèges sans savoir utiliser les sorts curatifs. Je n’étais qu’un foutu môme incapable de sauver la mère de son meilleur ami. Je n’étais pas seul, Nyx ne pouvait rien y faire non plus. Pourtant elle était meilleure que moi, dans tous les domaines. Mais, ce que nous demandait Eos, c’était simplement impossible.
On ne pouvait pas la sauver.
Et ça nous a déchiré.
Cette photo, c’est la main de mon père. Avec cette montre qu’il m’a offerte quand je suis parti pour les États-Unis et son appareil photo. Mon père, c’était un homme fier de nous, de chacune de nos réussites, et même parfois de nos échecs. Alors il prenait beaucoup de photo, il prenait aussi des vidéos. A force de vivre au contact de moldus, on s’adapte. Et il m’a transmis le virus. Très tôt, j’avais voulu qu’il m’apprenne. Je n’étais même pas encore entré à Tjukurpa à l’époque. Toujours est-il qu’il m’avait acheté des appareils photos jetable dans un premier temps. J’avais commencé là-dessus, j’ai encore quelques vieux clichés que je planque tant ils sont mauvais. Je ne savais pas trouver la bonne lumière, le bon angle. J’étais un môme, je faisais juste des photos comme ça.
La photographie, c’est ma vie. J’ai fait le tour du monde pour ça. Et je n’en regrette rien, si ce n’est de l’avoir fait seul. J’ai photographié des paysages, des portraits, des naissances, des baptêmes, des mariages, des enterrements, des fêtes, des larmes, des rires, des arbres, des fruits, du miel… J’ai fais tellement de milliers de photos différentes que je ne sais même pas vous dire s’il y en a une que j’aime plus que l’autre. Si, je fais des photos d’arts, pas des photos journalistiques. Bien que j’aie parfois vendus mes clichés à des magazines.
J’ai cru pendant un temps que ma passion me rapprocherait de son métier mais, je n’ai jamais trouvé la porte à ouvrir. Alors je continue de chercher, peut-être qu’un jour, je saurais où appuyer.
Quand Eos a disparu, j’ai cru devenir fou. J’avais fini par voir ses photos dans des magazines. J’avais fini par les collectionner bêtement, par cogner ces abrutis qui parlait mal de lui, par tacler ces gamines qui voulait l’avoir dans leur vie. J’étais fou de chagrin. Là encore, c’est la photo qui m’a sauvé. Mon père et ma mère n’étaient pas très riches, ils vivaient d’amour et d’eau fraîche. Mais ils nous avaient toujours encourager à économiser pour faire ce que nous aurions envie après nos études. Alors, j’ai pris mon argent, et j’me suis barré de Mapple Town. Oh, j’adore cette ville, cette île, c’est chez moi. Mais outre ma soif de découvrir le monde et ses magnifiques points de vus, je voulais retrouver Eos. Alors ma première destination fut Paris, la cité de la mode. J’ai erré là-bas pendant des semaines sans jamais réussir à le croiser. Finalement, j’ai lu dans un magazine qu’il serait peut-être à Tokyo. Alors j’ai pris le premier avion pour rejoindre le pays du soleil levant. Et ainsi de suite. Ça a duré quatre ans. Quatre années pendant lesquelles j’ai tenté de le retrouver.
Je revenais parfois à Mapple Town et finalement, j’avais fini par me faire une raison. J’allais tenter les USA et New-York, j’allais encore chercher sur le nouveau continent pour le retrouver. Mais si je n’y arrivais pas, c’était peut-être un signe. Pourtant, après ça, je n’ai jamais cessé de voyager. J’ai continué encore et encore, pour mon plaisir personnel. J’espérais toujours croiser Eos mais, il n’était plus ce qui motivait mes voyages. Je revenais régulièrement chez moi, j’avais investi avec Luu dans un appartement sur l’île de notre enfance. Je travaillais quelques semaines à droite à gauche avant de repartir. C’était la belle vie au fond.
Mais Eos me manquait toujours malgré tout.
Aujourd’hui, j’ai dégotté un poste dans un magasin de photo à Mapple Town. J’ai suffisamment voyagé, j’ai besoin de revenir aux racines. Je continue de collectionner les magazines où il apparaît, espérant qu’un jour il reviendra.